samedi 8 mars 2014

L'école publique, un service de baby-sitting?

Libérer les femmes? 

Si le FMI encourage à ce point le travail des femmes,  ce n'est pas tant pour les jolies idées consensuelles contenues dans l'abcd de l'égalité, ni parce que vos beaux yeux manquent à la vie d'entreprise.

C'est parce que votre main d'oeuvre mesdames vaut de l'or: phousser toutes les femmes à travailler génèrerait en France une hausse de 20% du PIB.
En bref, mettre tout le monde sur le marché de l'emploi est un enjeu économique essentiel.

Or il est un obstacle de taille: vos enfants. Obstacle auquel l'état a trouvé la parfaite parade avec l'école: un service de baby-sitting de masse, conçu pour que les parents, déchargés, puissent enfin tous deux travailler (et rapporter).

L'embrasement autour de la réforme des rythmes scolaires rappelle à quel point la mission première de l'école est d'être un service de garde: il doit être calqué sur les horaires des parents, l'enfant ne doit pas gêner.

Et tout allait bien tant que l'école, en plus d'être un lieu d'accueil, fournissait une éducation de qualité et un avenir à tous les petits français.

L'école est un service de baby-sitting de masse

Lorsque le temps d'accueil diminue ou lorsque les enseignants sont en grève, les parents ne se plaignent pas de la perte de jours d'apprentissages.
De l'instruction des enfants ils sont totalement déconnectés, c'est à peine s'ils connaissent les programmes et ce qui est étudié en classe; l'école les a volontairement mis sur la touche: "chacun son job, ne vous en mêlez surtout pas!".

N'ayant plus la main sur le côté instructif de l'école, et franchement lassés par les querelles des théoriciens de l'éducation, les parents hurlent au scandale sur un point: la perte du service de garde.

Si elles ne remplissent plus correctement cette fonction, que reste-t'il?
Les écoles publiques et privées sous contrat renforcent très largement les inégalités sociales, produisent 20% d'illettrés, recrutent des enseignants en plaçant la barre d'admissibilité à 4/20, et 7% des élèves y sont harcelés.

Les plus fortunés (politiciens en première ligne), qui peuvent s'offrir le luxe de se passer de garderies gratuites, ont quitté le navire depuis longtemps au profit d'écoles libres, autonomes, et épanouissantes (Montessori, anglaises, confessionnelles hors-contrat...).

Les élèves qui restent ingurgitent péniblement un socle commun des compétences ponctué d'idéologie, et sortent de l'école de la république sans réelles compétences, sans avoir développé leur propre créativité, dépourvus de sens critique, et avec la mince perspective de trouver un emploi.

Les parents, enseignants dans l'ombre

Avec 80 000 manuels de la méthode Boscher vendus chaque année, j'affirme que les élèves du public qui apprennent à lire aujourd'hui en France le doivent à des parents avertis, qui se chargent du b-a-ba en douce le soir. Les enfants de milieux défavorisés n'ont pas cette chance.


L'éducation nationale n'aurait pas assez de ressources pour redevenir performante, égalitaire, épanouissante, et stopper ainsi l'hémorragie.
Elle en a pourtant largement assez pour contrôler et persécuter les 30 000 familles qui se passent de ses services.

16 commentaires:

  1. Wouh ! Bing !
    Je ne suis pas raccord avec l'intégralité des détails de ton article, mais à 200% sur le fond !

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  2. extrêmement bien vu!

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  3. Est-ce vraiment nécessaire de te préciser que j'adhère totalement ;)

    Plus nous serons nombreux à parler ainsi, plus cela risque de bouger... j'adore cet article

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  4. Une maman très perspicace ! Ajoutons: 41% d'analphabètes à l'entrée en sixième en 2010.
    En revanche, il faudrait dénombrer statistiquement les gens qui ont réussi leur vie et qui n'ont eu aucun gros diplôme; qui, par conséquent, ont échappé au moule éducationnel. Y aura-t-il un jour une telle étude ?
    PS: vous avez gagné un lien vers votre blog sur le nôtre !

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  5. Les taux d'illettrés, d'analphabètes, vous les trouvez où?

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  6. Sur le site du gouvernement: lors de la japd (journée d'appel à la défense), seuls 81% des jeunes de 16 sont des lecteurs efficaces. Les 19% restants sont partagés entre "lecteurs inefficaces", "illettrés" et "analphabètes".. L'épreuve porte sur une page de programme télé (ce n'est pas du Proust):
    http://www.education.gouv.fr/cid58761/journee-defense-et-citoyennete-2012-un-jeune-sur-dix-rencontre-des-difficultes-de-lecture.html

    La seconde donnée sur l'illettrisme est moins fiable car elle porte sur les tests nationaux effectués sur tous les cm2. Mais ces évaluations sont très souvent boycottées par les enseignants donc il manque des académies, c'est moins exhaustif.
    Les résultats sont ici, et ce n'est pas glorieux:
    http://m.actualitte.com/n/26852

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    1. Merci! Merci et oh la la !
      Parce qu'en détails, c'est encore pire qu'avec les chiffres... Parce qu'ils obtiennent à peu près 50% d'acquis "très solides" en mettant la barre à 13/20. Soit les évaluations vont plus loin que le programme, mais alors ce n'est pas une évaluation diagnostique, soit ils considèrent qu'avoir acquis les 2/3 de ce qu'on est sensé savoir c'est très bien, et alors c'est déprimant...

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  7. Et pan, dans les dents!!!

    Je découvre votre blog et suis aux anges! Merci pour tout ce beau partage! Je vous mets dans ma liste des favoris ;)

    N'oublions pas que la main d'oeuvre dans le BTP (et autres) étant en chute libre du fait du dénigrement depuis des décennies par l'Education Nationale, aujourd'hui les politiques nous font miroiter ce secteur comme le nouveau filon pra lequel passe la liberté des femmes du XXIe siècle...car maintenir des marteaux-piqueurs ou soulever des sacs de sable enceinte de 6 mois, c'est le rêve de toute petite fille!!!!

    C'est complètement hallucinant ce système de confusion et "désinstruction" des enfants.

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  8. Bonjour,
    Je suis prof des écoles et je n'ai pas été admissible à 4/20.Cela dit, si l'on m'avait avertie d'une telle possibilité je n'aurais peut-être pas travaillé autant ces années-là. Je suis assez romantique et j'avoue que votre blog me chatouille l'imaginaire. Maman de 3 enfants, je me verrais bien moi aussi, faire l'école à la maison... Sauf que tout le monde ne peut pas se le permettre... et qu'accessoirement, j'aime mon métier. Alors je les confie à l'Education Nationale, et comme je suis "de l'intérieur" je le fais avec confiance! Ce que vous décrivez madame, me choque, me blesse et me met en colère. Je ne compte pas mes heures pour mon travail et je fais mon possible pour mes élèves. Tout ne fonctionne pas bien sûr comme si je n'avais que 4 élèves, mes enfants, à instruire, mais nous passons tous le plus souvent d'excellentes journées et des années réussies! Vous parlez des familles défavorisées qui ne peuvent pas réparer les méfaits de l'école publique... Ces familles-là bien entendu pourraient faire l'école à la maison avec un peu de bonne volonté j'imagine...
    Bref, si je suis respectueuse du travail que vous faites avec vos enfants, j'abhorre vos propos désobligeants et méprisants envers le métier que j'aime.
    Cordialement.

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    1. Bonjour Rigolett.

      Vous pouvez en effet confier vos enfants en toute confiance à l'éducation nationale: en tant que fils de prof, ils ont les meilleures chances de réussite. S'il y a bien une valeur sûre: naître d'enseignants.

      Je n'ai jamais dit que tous les enseignants étaient recrutés à 4/20, mais cela a eu lieu, et vous devriez le déplorer car c'est une insulte envers votre profession.
      Tout comme je n'ai jamais dit que tous les instits étaient mauvais. Ce que je dis c'est qu'un bon et un mauvais prof, en fin de carrière, ont le même salaire, c'est un fait. Encore une fois c'est une insulte envers les profs investis, et c'est surtout le meilleur moyen de décourager les bonnes volontés. Les mauvais enseignants devraient pouvoir être congédiés, ils n'ont rien à faire dans une salle de classe.

      Enfin je me bats pour que les familles, quels que soient leurs revenus, aient le CHOIX du mode d'instruction qu'ils veulent pour leurs enfants.

      Vous seriez surpris(e?) de constater le nombre de familles très modestes qui se privent pour faire l'école à la maison à un enfant qui était en grande souffrance à l'école ou tout simplement parce qu'ils veulent autre chose pour leur famille. J'en côtoie tous les jours, et leur nombre ne cesse de croître.

      Je trouve anormal que l'état dépense chaque année plus de 6000€ par enfant de primaire, mais que des familles défavorisées n'aient aucune alternative ou doivent se priver pour choisir un autre modèle éducatif.

      Que ceux qui aiment l'école telle qu'elle est y restent, c'est fort bien et cela convient à certains enfants.
      Mais que ceux qui veulent autre chose (école alternative ou homeschooling) puissent avoir le choix sans payer deux fois (l'une par leurs impôts pour financer une ecole de la république qui obtient de mauvais résultats, et une seconde fois pour financer une éducation pour leur propre progéniture).

      Je suis convaincue que l'école actuelle est un modèle dépassé, car le parent de 2014 veut avoir le choix. Soit l'état s'adaptera en proposant des écoles alternatives ou des chèques éducation, soit il restera figé et ce système s'effondrera comme l'ont fait avant lui tous les systèmes qui n'ont pas su évoluer.

      Cordialement-

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  9. Bonjour Je viens de découvrir votre blog avec ravissement. Je suis prof des écoles (en maternelle) ce qui ne m'empêche pas d'avoir, à un moment ou un autre, envisagé de faire l'école à la maison (du moins avec la dernière de mes enfants) sans finalement sauter le pas. Je partage en grande partie ce que vous dites dans votre article. L'école est devenue, avant tout, une grande garderie gratuite mais pour laquelle les parents ont aussi d'autres attentes, bien légitimes : que l'école apporte le savoir, la culture, la formation et l'ouverture nécessaires afin de pouvoir affronter la vie professionnelle ce qui n'est plus toujours le cas à l'heure actuelle. Je ne suis pas vraiment d'accord avec vous quand vous dites que les parents sont exclus de l'école. Je crois, au contraire, qu'ils n'ont jamais été aussi présents et je dirais même "trop présents". Aujourd'hui, n'importe quel parent est capable de trouver en grande surface ou sur internet la liste détaillée des programmes ou des compétences à acquérir ce qui n'était pas le cas auparavant. On a crée les conseils d'école afin d'avoir davantage de transparence sur la vie de l'école. Il y a des réunions en début d'année afin d'expliquer quels sont les enjeux de la classe, les programmes, les méthodes de travail de l'enseignant. Il ne me semble pas que mes parents, dans les années 70 aient jamais eu de réunion de rentrée ce qui ne les a d'ailleurs jamais empêché de suivre ma scolarité. Je crois au contraire que les parents sont devenus des consommateurs de l'école et qu'ils sont plus exigeants avec elle parce qu'on leur en laisse la possibilité... Ce que je vais dire risque peut-être de vous déplaire mais j'estime que les parents ne devraient pas avoir autant de liberté par rapport à l'école si ce n'est la liberté du choix (ce que vous soulignez fort bien). Pour le reste, ils ne devraient pas interférer. Je ne suis jamais allée voir un boulanger dans son fournil pour lui dire que son pain n'est pas assez cuit. Si ma boulangerie ne me convient pas, libre à moi d'en trouver une autre. Bien sûr, vous allez me dire que tous les parents n'ont pas la possibilité de choisir (que ce soit pour des raisons de proximité ou financières) mais en règle générale, je pense que le rapport de confiance et de respect qui existait avant par rapport à l'école n'existe plus et c'est bien dommage. Les parents agissent par rapport à l'école comme envers n'importe quel autre bien de consommation et c'est dramatique : la tête de l'enseignant ne vous revient pas et hop, vous demandez à ce que votre enfant change de classe et aille avec Mme Untel plutôt qu'avec Mme Machin. Vous n'avez pas été choisie pour accompagner une sotie , et hop, un petit coup de téléphone au directeur, voire à l'inspecteur pour se plaindre de la situation ! Votre enfant a été puni injustement ? Et hop, une petite main courante histoire de montrer à l'enseignant que le parent d'élèves est tout puissant ! Toutes ces situations sont vraies malheureusement... Alors, quand dans une classe de maternelle, on a envie de faire des manipulations (pâte à modeler et autres), on craint un peu la réaction des parents qui souhaiteraient que tous les enfants de grande section sachent lire et écrire en fin d'année. On cède, à tort, sous la pression des parents parce que c'est fatigant, chaque jour, d'avoir à affronter des regards de parents qui pensent parfois que vous êtes payés pour pas grand chose en terme de résultats...
    Enfin, et pour terminer, je vous rejoins tout à fait quand vous dites que l'école d'aujourd'hui est dépassée, je dirais même que le malade est en phase terminale et que les dernières mesures vont finir de l'achever. Les parents vont se ruer sur les écoles privées qui ne seront pas obligées d'appliquer les derniers décrets. Mais finalement, n'est-ce pas ce qui est souhaité ?

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  10. Vous êtes institsen maternelle, vous décrivez certains comportement répandus de parents d'élèves...
    Pour avoir été atsem j'aimerais ajouter, que si les têtes des instits ne reviennent guère aux parents que dire des têtes des parents qui ne reviennent pas au instits qui ne se privent pas de "casser" de faire des ragôts et moults cancans jusque sur la vie privée ou présumée des parents aux autres instits avant même que les enfants aient changé de niveau...
    Ce qui est choquant ce sont les informations sur la vie privée des parents (droit de garde et jugement de divorce requis par les écoles lors des inscriptions par exemple et les ragots qui en découlent si vous voulez mon avis de l'intérieur...) Il faudrait entendre ce que j'ai entendu (jugement à l'emporte-pièce et même comportement désagréable envers certains enfants) pour le croire sitôt les enfants déposés devant la classe en maternelle...
    Sans compter les conflits entre parents quand l'instit est cul-et-chemise avec l'un d'entre eux (connaissance, amitié etc...)
    Il n'y a pas que l'école publique loin de là qui est touchée d'ailleurs.

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  11. Bonjour,
    Excellent article, très pertinent et bien écrit, comme le reste des articles de ce ravissant blog... aussi ravissant que votre petite famille, à qui je souhaite une bonne continuation, dans tout ce qu'il y a de mieux pour vous.
    Merci aussi pour la petite dose de finesse ironique, qui n'est - hélas - pas du luxe pour pouvoir avaler le vinaigre qu'est le marasme de l'orientation éducative assumée par la technocratie publique, hypocrite et embourbée dans des décennies de dégringolade... (Olala, j'ai vidé mon sac, lol : attention, "maman-ief-en-colère").
    Quoi qu'il en soit, merci encore pour vos partages - de documents et d'infos, tout comme d'idées - d'une excellente qualité, que je me ferai un plaisir de continuer à suivre à l'avenir.
    Bien cordialement.

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  12. Bravo ! Oui oui, bravo ! De l'avoir dit, écrit et assumé ! J'adhère !
    Je viens de finir un livre de John Holt dans lequel il est écrit : les enseignants, lorsque vous leur parlez du système éducationnel défaillant, montent tout de suite sur leurs grands chevaux et répondent : pourquoi nous critiquez-vous ? Nous ne pouvons rien leur dire...
    Je viens de lire un commentaire qui me le confirme.
    Bonne continuation et merci pour cette salutaire franchise ;)

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