dimanche 23 octobre 2016

Un film sur le homeschooling: Captain fantastic!


Une famille nombreuse élevant ses six enfants au fond d'une forêt reculée, avec pour tout matériel une grande bibliothèque et de beaux idéaux... nous ne pouvions pas passer à côté de Captain Fantastic!

Le film a rencontré un succès considérable aux USA, mais en France il semble relégué à quelques salles d'art et d'essai. La note des spectateurs est unanime: c'est un vrai bijou. Mais médias et critiques ne sont pas franchement du même avis (comme cet article "tous à l'école publique!"; france 24 ou encore critikat n'ont pas franchement apprécié non plus): Captain Fantastic dérange. 

Nous l'avons vu avec les enfants, parce que nous avons pensé que le sujet les intéressait autant que nous. Ils ont adoré mais je préfère prévenir: les dialogues sont parfois... fleuris, et certains sujets sensibles sont abordés (à commencer par le suicide de la mère)...

Attention, la suite risque de vous dévoiler l'histoire!

Une vie de Robinsons

La première partie du film est un pur régal: les enfants sont attachants, ils mènent une vie simple et passionnante. Leur quotidien est fait de parties de chasse, de toilette dans la rivière, de course à pied dans les bois, d'escalade sur des parois rocheuses, de cours de self defense, de musique autour du feu... et surtout de centaines de livres inspirants et intellectuellement stimulants (oui je n'ai pas vu l'ombre d'un album pour enfant). Ils ne fêtent pas Noël mais l'anniversaire de Noam Chomsky, sont polyglottes, étudient énormément, font des burpees tous les jours et confectionnent leurs propres vêtements.

Chaque enfant a un programme d'étude (le père est d'ailleurs surpris qu'une des filles lise un livre qui n'était pas dans son programme), dans lequel la narration tient une place centrale. Les enfants sont constamment encouragés non seulement à raconter ce qu'ils ont lu mais aussi à donner leur avis et à débattre entre eux. Rien n'est jamais "intéressant" (mot proscrit!) mais "déstabilisant", "dérangeant", "novateur"... En bref: pour un film sur des enfants non scolarisés vivant dans la forêt je m'attendais à voir du unschooling baba cool... mais non: valeurs communistes et anti-chrétiennes mises à part, c'est bien du "Charlotte Mason" version survivaliste!


Le choc des cultures

Un évènement tragique -la mort de la mère- oblige toute la joyeuse troupe à rejoindre la civilisation pour assister à l'enterrement. J'ai beaucoup aimé voir la société de consommation à travers les yeux des enfants: choqués par l'obésité et par la surabondance de tout sauf de l'essentiel. Ils sont politiquement incorrects juste en s'assumant: vêtements bariolés, idées atypiques... 

Le père, patiemment, défend son choix de vie ou esquive quand on l'accuse de maltraitance parce que ses enfants (qui ne passent pas leurs journées entre un pupitre et une console de jeux vidéo) ont des bleus et des égratignures... Je crois qu'on s'est tous un peu reconnus n'est ce pas dans le "oh non c'est parti" lorsque le policier demande "ils ne sont pas à l'école?"! Ou encore lorsque le grand père accuse le père de marginaliser les enfants, de les rendre inadaptés au monde réel. J'ai vraiment retrouvé dans le film cette difficulté qu'ont je pense tous les homeschoolers à s'assumer en permanence dans leurs choix de vie aussi atypiques soient-ils, ainsi que la lassitude d'avoir sans cesse à se justifier de faire "autrement". 

J'ai beaucoup aimé la relation de confiance entre le père et les enfants. Ils parlent de tout librement: de politique et d'alimentation comme de sexe ou de suicide. Aucun sujet n'est tabou: tout est abordé sans condescendance, avec des mots justes et précis.


La famille "standard", incarnée par l'oncle, la tante, et leurs deux affreux rejetons, offre un pendant saisissant: biberonnés aux jeux-vidéo, ne fonctionnant qu'au chantage (si tu vas jouer avec tes cousins tu pourrais faire de la X-box après"), sous-éduqués, hilares lorsque le petit cousin sorti des bois prend la marque Nike pour la déesse grecque de la victoire... Ils sont certes parfaitement adaptés à la société de consommation, mais sont-ils heureux ou même intéressants? Ont-ils ne serait-ce qu'une once de personnalité? 

Le difficile équilibre

On sent, tout au long du film, que les personnages s'interrogent sur le bien fondé de leurs choix de vie. Contrairement aux personnages "standard" ils se remettent continuellement en question. Ils sont clairement très heureux et érudits, mais le manque de culture populaire les fait constamment passer pour des excentriques. Comment s'épanouir en société quand on ignore ce qu'est le Coca-Cola et qu'on porte son trophée de chasse en guise de couvre-chef? 

J'ignore si je suis la seule à avoir rencontré ce problème, mais oui, clairement, quand vous faites du homeschooling et qu'en plus vous n'avez ni télé, ni jeux-vidéo ni même chocapics au petit déj, les enfants passent vite pour des martiens auprès des petits copains. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'apprécie qu'ils soient abonnés au journal de mickey: parce que même si je pense qu'ils n'ont pas besoin de savoir que les J.O ont eu lieu au Brésil, ça leur donne juste assez de culture populaire pour ne pas avoir à souffrir de passer pour de gentils illuminés. 

En revanche j'ai été attristée par la fin (attention, si vous ne l'avez pas encore vu vous pouvez encore arrêter la lecture!) puisque la décision est prise de trouver un juste milieu, d'aller vivre dans une maison à la campagne et d'envoyer les enfants à l'école en bus avec le lunch bag. Je les trouvais hyper attachants dans leur marginalité mais cet épilogue donne l'impression qu'il faut obligatoirement passer par l'école pour être apte à s'épanouir en société...


Les critiques lues sur le web

Dans les critiques le conditionnement idéologique revient souvent.

Certes: le père est clairement en guerre contre la société de consommation, et il transmet ses valeurs à ses enfants. Mais c'est le cas absolument partout. Une instruction sans valeurs... ça n'existe pas. A partir du moment où l'enfant est instruit des valeurs sont inévitablement transmises, heureusement d'ailleurs! Soit ce sont les valeurs de l'école (donc des valeurs politisées, qu'on le veuille ou non), soit ce sont celles des parents.

D'ailleurs ils ne vivent pas non plus sous la coupe toute puissante du père puisque leurs lectures sont variées et qu'ils sont encouragés à jeter un regard critique très personnel sur tout ce qu'ils apprennent. A plusieurs reprises ils prennent une autre position et défendent leurs convictions (mission sauver maman!). La rébellion du fils est même plutôt bien gérée: la discussion est ouverte, posée.

L'autre critique récurrente concerne les scènes d'enfants qui chassent. Mais à moins d'être vegan, je trouve plutôt plus sain de voir un enfant chasser qu'un enfant mangeant un big-mac sans même avoir conscience de la composition du steak. Nos enfants mangent leurs poules et pêchent dès 3/4 ans, c'est quelque chose qui me semble normal.

Bref: certes dans captain fantastic on est dans l'extrême, c'est d'ailleurs un choix de vie absolument impossible en France sous peine de se voir retirer les enfants par l'assistance sociale. Mais malgré tous ses petits défauts et dérapages la famille des bois m'a bien moins choquée que la famille américaine standard, engluée devant la playstation!

Et vous, qu'en avez-vous pensé? 

16 commentaires:

  1. Pas vu, je ne savais même pas que ce film parlait d'instruction en famille, merci pour ce partage.
    Bonne journée Laura.

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  2. Merci d'avoir mis en lien mon article et merci pour le votre, mais j'ai aussi adoré ce film! Mes enfants vont à l'école mais ils passent leur temps à lire, n'ont pas de portable et ne regardent pas la télé et sont donc regardés aussi bizarrement mais ils ont appris à vivre avec cette différence. L'école ne pervertit pas l'éducation des parents. Je respecte les choix de chacun mais l'école à la maison n'est pas un choix de société selon moi.

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    1. Qu'est-ce que c'est "un choix de société" ?

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    2. Connaissant l'IEF depuis plus de 30 ans et maman d'enfants IEF, après rencontre et rencontre de familles IEF... je rejoints un peu ton avis. Non ce n'est pas tant un choix sociétal pour la majorité des familles qu'un choix de confort (paradoxalement, car moi j'ai fait ce choix... par recherche... d'inconfort!).

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    3. Je ne dirai pas que c'est un choix de société, c'est avant tout un choix personnel. Cependant, il est, de mon point de vue, certain, que l'école pervertit l'éducation des parents (à moins de trouver une école qui colle parfaitement à l'éducation que nous choisissons de donner)

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    4. Je suis persuadée que le cercle familial est beaucoup plus influent que l'école, malgré les reproches que l'on peut lui faire. Je suis très admirative des familles IEF, des choix qu'elles font, mais même si mes enfants sont scolarisés, je sais que j'ai une belle part à jouer sur leur éducation et leur instruction !!

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    5. malheureusement Céline, l'école est bien plus influente que la famille ne serait ce que tout simplement parce que les enfants scolarisés passent bien plus de temps à l'école que chez eux...! A cela s'ajoutent les "fréquentations" qu'ils y trouvent...

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    6. je suis d'accord avec Laurence. Les enfants sont très vulnérables et influençables, même en passant peu d'heures à l'école. C'est le fameux : "non, c'est comme ça. C'est ma maîtresse qui l'a dit et elle sait mieux que toi".
      La maîtresse a l'aura de l'autorité, d'une institution. Les régimes totalitaires savent bien tirer profit de la malléabilité des enfants. Il y a des pays où après endoctrinement, on demande aux futurs enfants soldats de tuer leurs parents, et ils le font. L'influence parentale est limitée.
      Chloé

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  3. La fin est en effet très décevante !! En effet les enfants sont très touchants par contre je trouve le père un peu rude avec eux des fois, sous prétexte de leurs enseigner quelque chose, il fait parfois un brin trop militaire à mon goût. Dans un genre un peu similaire j'ai largement préféré "Vie Sauvage" avec Mathieu Kassovitz.
    Ici on le vit chaque jour la "marginalisation" (je mets entre guillement car le terme me semble très fort à côté de ce que l'on vit, mais je ne trouve pas de meilleur terme), IEF depuis toujours, on n'a jamais eu de télé, pas de consoles non plus... Et je laisse mes enfants s'habiller comme ils le veulent, or leurs inspirations viennent de leur livre, ou imagination et le concept de "les autres vont se moquer car c'est différent" ne les a jamais atteint!! Donc ça peut donner des look épiques aussi !!! Ils le vivent très bien et font beaucoup d'activités extérieures sans moi, ils n'ont aucun soucis d'adaptation, leur originalité passe très bien. Intéresse souvent. Parfois je les ai prévenu que tel chapeau était très inhabituel pour la plupart des gens, ou que un squelette en diamant sur un t-shirt de garçon pouvait éventuellement interloquer les autres.. Mais chaque fois ils ont décidé d'assumer quand-même et les très rares remarques désobligeantes qu'ils ont eu leur passent bien au-dessus de la tête...!!

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  4. J'ai vu le film hier soir.
    Les moins : la posture du père, qui pour justifier son éducation, exhibe les connaissances de ces enfants. Une fois encore, il semble difficile que la société approuve un type d'éducation autrement qu'à travers les connaissances acquises des enfants : plus ils en ont, plus on a d'approbation... Qu'en est-il des savoir-faire et des savoir-être, de l’empathie ou du respect envers les autres... Autre bémol, il manque à mon goût un peu de lien social avec d'autres enfants ou adultes : les enfants, hormis le grand quand il va faire les courses avec son père, ne rencontrent jamais d'autres personnes dans leur vie au fond des bois. Ce huit clos familial ne facilite pas les rapports une fois confronté à la société. Peut-on vivre coupé de tout ?... Le relationnel, le ressenti vis à vis des autres, les interactions avec autrui ne s'apprennent pas dans les livres, mais se vivent.
    Ceci dit, le film m'a renvoyé une réelle joie et liberté de vivre. L'éducation physique, parfois un peu poussée à l'extrême, peut "choquer" quand on s'attend à du unschooling au fond des bois. Cependant il y a une belle harmonie dans cette famille, même si cette harmonie est un peu chamboulée par le décès de la maman (ce qui dans toute famille créerait un déséquilibre). J'ai aimé le rapport sain du père avec ses enfants et le soucis de vérité et de justesse dans ces propos pour expliquer la vie, la spontanéité des enfants, la remise en question permanente, la liberté de penser et de s'exprimer chacun à part égale dans la famille. Bref, je vous le conseille et vous vous ferez votre opinion !

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  5. J'ai vu le film avec ma fille de 16 ans et nous avons adoré. En revanche, je n'y emmènerai pas mes enfants plus jeunes. Ce n'est pas, à mon sens, un film pour eux. Il faut une certaine maturité pour apprécier les enjeux, la poésie, les interrogations, la maladie de la mère (bipolaire), le cheminement du père, ses failles etc... Bien avant d'être un film sur le homeschooling (et selon moi, surtout pas sur le unschooling), je trouve que c'est avant tout le cheminement d'un père, d'une famille, c'est une ode à la paternité. Je trouve que c'est une réflexion sur les enjeux de l'éducation. Le père prend conscience que faire des choix motivés par la liberté, pour éviter aux enfants l'enfermement dans un système si c'est finalement pour les enfermer dans un autre système, ça n'est pas cohérent. C'est un film à voir et revoir!

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    1. J'ai également adoré ce film, la liberté qui émane des personnages, leur responsabilité, leur rapport à la nature, l'instruction, la philosophie, le corps. Je suis assez d'accord : pour moi le homeschooling découle des choix de vie initiaux des parents, et non pas la famille qui s'adapte autour du homeschooling. Ce film n'a pas fini de me plaire et de me faire réfléchir !

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  6. J'ai beaucoup aimé ce film également . Ce qui est drôle c'est que je n'ai pas du tout interprété la fin de la même façon : Pour moi le père à effectivement inscrit les enfants à l'école , leurs préparent les repas pour l'école , mais lorsqu'il dit que le bus passe dans 15 minutes , chaque enfant se remet à lire paisiblement au lieu de se préparer . Pour moi donc c'est un choix qu'ils leurs laissent . Ce qui est bien dans un film c'est que tout le monde puisse l'interpréter différemment !

    Ce qui m'a beaucoup plus ( et à mon conjoint également ) , c'est la nuance entre la société de consommation et le mode de vie extrême de cette famille . Ce film est un vrai bijou en effet , je pense que même le revisionner plusieurs fois est nécessaire pour pouvoir en comprendre toutes les nuances

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  7. Je viens de découvrir ce film et j'ai adoré. J'étais aussi déçue par la fin où la famille semble retourner vers un certain conformisme. Mais je découvre en lisant une critique d'un internaute qui a vu deux fois le film, que, de son point de vue, c'est peut être juste de l'humour la phrase du père sur le bus et l'école...Et donc, la scène finale, on les voit "être à l’école" et faire leurs leçons. Reste l'image des lunchbags que je n'explique pas du coup..
    Et donc, en faisant un recherche pour en savoir plus ou si quelqu'un a ce même avis, je trouve votre site. Quelqu'un aurait il perçu cela aussi ?

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  8. tout a fait d'accord avec vous on voit les enfants sourirent quand leur pere leur dit qu'ils leur reste 15 mns avant l'arriver du bus,les enfants ne se presse pas.
    Je pense que c'est un joli pied de nez a la "normalité".on peux faire "semblant" de faire comme tous les écoliers

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  9. Bonsoir,
    Je viens de voir enfin LE film!
    Dur, poignant, captivant, enthousiasmant .... pour ne pas dire "intéressant "!
    Et pour moi aussi, la fin n'est pas celle que l'on croit...
    Les enfants ne retournent pas à l'école...le bus, est le leur, transformé en poulailler, et l'école, leur cuisine!
    Les lunch-box.... de l'humour!
    Pour mon mari et moi, ils ont trouvé un "équilibre", ( et non un compromis), ce n'est plus le père le seul "maitre",
    Chaque personnalité étant respectée, un pas de plus dans une liberté partagée, une transmission plus pure.
    ;-)

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