Je pense ne pas être la seule à avoir du mal à me repérer entre les différents projets de loi et de décrets en cours. Pour nous aider à y voir plus clair, Denis a gentiment accepté de prendre la parole au nom de la toute nouvelle FELICIA (fédération pour la liberté du choix de l'instruction et des apprentissages)
Bonsoir Denis, quelques mots sur toi?
Bonjour Laure, je suis Denis ;-)
Papa d’une jeune ado en IEF, je suis celui qui a le beau rôle dans la famille. Je fais des trucs rémunérés en dehors du domicile tandis que la maman gère toutes les galères et la responsabilité de la gestion quotidienne de l’instruction en famille. En mai 2016 après l’annonce d’un décret ministériel qui implique une modification réglementaire des contrôles de l’instruction en famille, malgré mon manque d’implication au quotidien je me suis dit : « WOW , mais stop maintenant ! » (d’autant que je voyais à peu près à quoi peut ressembler un contrôle new look tel qu’il se pratique déjà de manière a-légale dans certaines académies.)
Je me suis dit que je pouvais sacrifier mon temps libre en transports en commun et autres, et j’ai regardé quelles étaient les actions mises en place par les associations IEF nationales ou celles de ma région pour lutter contre ce projet de décret et pour faire connaître cette atteinte à la liberté de choix d’instruction dans la presse etc.
De fil en aiguille, ne trouvant pas d’action qui me corresponde, je suis tombé sur
un groupe facebook monté par quelques mamans investies proposant d’unir un maximum d’associations et de quidams dans une communication unifiée et des actions communes, explicites, sur le sujet ainsi que de chercher rapidement comment se défendre. Ca m’a parlé parce que c'était à la fois très pragmatique, très ciblé et faisait montre d’un accueil assez ouvert.
J’ai proposé mes maigres compétences en gestion de projet pour aider à ce que les discussions autour de cette proposition de regroupement accouchent d’un concept concret et utilisable pour que cette fédé / asso puisse voir le jour, afin que je sache concrètement si j’ai envie de la rejoindre. Comme j’ai une grosse tendance / défaut à donner mon avis sur tout… ben je me retrouve avec de demandes d’interview sur ton site, largement illégitimes en fait puisque la fédé n’est pas née de mon cerveau (je n’en ai d’ailleurs pas ;-) et qu’elle est à ce jour la somme du travail d’une grosse vingtaine de parents qui bossent tous les jours sur différents chantiers urgents (les statuts, le règlement intérieur, la prise de contact avec les pouvoirs publics, les réactions au texte de loi….), mais aussi le résultat du soutien d’une grosse centaine de sympathisants et de plus de dix associations qui ont déjà manifesté l’envie de porter un projet commun. Tous mériteraient bien plus que moi la faveur d’une interview. Je suis celui qu’on voit parce que je parle beaucoup /trop. Loin d’être celui qui porte le projet sur mes épaules. Elles n'y suffiraient d’ailleurs pas.
On a beaucoup entendu parler ces derniers temps de projets de loi et de décrets autour de l'instruction en famille. Qu'en est-il aujourd'hui?
Tout a “commencé” par le travail de veille des assos nationales sur le sujet. LEDA, LAIA, CISE, le Collectief…
ont été invitées à participer au cabinet de la ministre Belkacem à prendre part à la discussion sur l’amélioration des contrôles de l’IEF initié par l'inspection académique. Or en fait de “discussion”, elles se sont retrouvées uniquement invitées à lire un
nouveau projet (page 21) de décret d’application régissant les contrôles de l’instruction en famille… et pas vraiment à apporter leur savoir faire dans sa définition. Dans tout autre secteur de la vie publique on appellerait ça un “traquenard”.
Comme pour justifier de la création d’un décret, il faut l’adosser à une loi qui peut seule justifier de modifier les procédures existantes, est né l’
amendement n°3679 au
projet de loi Egalité Citoyenneté qui modifie par la loi,
l’article 131-10 du code de l’éducation de manière très subtile : « L’autorité compétente de l’État détermine les modalités du contrôle ». Dès lors comme il y a nouvelles modalités inscrites dans le code, il y a forcément besoin d’un nouveau décret. Et ça tombe bien il est déjà écrit. :-) Ce décret a fait bondir, à raison, les associations qui l’ont lue et tous les parents qui l’ont ensuite consulté. En voici les quelques lignes qui changent tout:
Article 1er
L’article D. 131-12 du code de l’éducation est remplacé par les dispositions suivantes :
« D. 131-12. L'acquisition des connaissances et compétences est progressive et continue dans
chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et doit avoir pour objet d’amener l'enfant, à l'issue de la période de l'instruction obligatoire, à la maîtrise de l'ensemble des exigences du socle commun. La progression retenue doit être compatible avec l’âge de l’enfant et son état de santé, tout en tenant compte des choix éducatifs effectués.
Le contrôle de la maîtrise progressive des acquis du socle commun est fait au regard des objectifs de formation attendus à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire. »
Article 2
Après l’article D. 131-12 du même code, il est ajouté un article D. 131-13 ainsi rédigé :
« Le contrôle de l’acquisition des connaissances et compétences prescrit par l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation se déroule sous la forme d’un entretien avec les personnes responsables de l’enfant soumis à l’obligation scolaire en présence de ce dernier. L’enfant est ensuite soumis à des exercices écrits ou oraux ».
Les trois phrases que j’ai mises en gras changent beaucoup de choses. D’abord, le contrôle est désormais prévu non plus pour vérifier qu’une instruction cohérente est bien dispensée à l’enfant , lui permettant d’acquérir pour l’âge de seize ans les attendus du
socle commun de connaissances et de compétences, comme c’était écrit dans la précédente version du code et des circulaires envoyées aux inspecteurs mais bien pour vérifier que cette instruction permet d’atteindre les attendus de chaque
palier d’acquisition de ce socle (tel que mis en place par les écoles de l’éducation nationale) ; soit des échéances de deux ou trois ans, entre 6 et 16 ans (palier 1, palier 2, palier 3…).
Plus encore, une “maîtrise progressive” est demandée au regard de ces paliers bi ou trisannuels. Ca veut dire, pris au pied de la lettre, que la progression de l’instruction donnée doit être conforme à ce qui est communément établi comme norme pour l’acquisition des connaissances du palier : et la seule norme de progression connue des inspecteurs, ce sont
les niveaux de classe définis dans leurs référentiels.
Pour ce qui est de la dernière phrase en gras, cela signifie que désormais l’enfant sera SYSTEMATIQUEMENT soumis à des tests écrits ou oraux, à la fin de l’entretien avec le parent instructeur là où , avant , l’inspecteur pouvait simplement proposer une discussion additionnelle avec l’enfant, après avoir entendu la méthodologie et le projet de l’enseignant parent dans l’acquisition du socle à 16 ans pour vérifier que l’instruction donnée est bien réelle et que l'enseignant n’est pas atteint de mythomanie. Parce qu’il faut le marteler, le but du contrôle est de vérifier la compétence de l’enseignant dans son rôle d’instruction. Pas d'évaluer les résultats de cette instruction sur l’élève. C’est d’ailleurs la stricte transposition de ce qui se fait s’agissant du contrôle des professeurs en classe des écoles de la République.
Ces trois phrases changent beaucoup de choses. Je pense aux parents qui pratiquent les apprentissages informels ou à ceux qui par exemple appliquent des pédagogies où l’examen écrit/oral est une aberration pédagogique. Ou encore ceux qui ont des enfants-élèves passionnés par une matière qu’ils creusent à un certain âge largement au delà des attentes du référentiel et réservent une autre matière pour un autre âge (les études ne cessent de démontrer par exemple que tous les enfants n’ont pas un cerveau programmé pour apprendre à lire à 6 ans)
On jugera aussi avec ironie la prise en compte des « choix éducatifs des parents » mentionnée dans le décret, dans la mesure où le même décret sous-entend de les contraindre à des paliers du socle commun, une progressivité d’apprentissage et des tests écrits ou oraux. Les parents ont donc la liberté de choix de faire comme l’école de la République, à un tempo à peine individualisé. Drôle de conception de la liberté. Aveu de déni de toute avancée pédagogique, neuroscientifique… qui ne cessent de remettre en cause le modèle de l’école en France.
On notera aussi pour compléter le tableau noir que rien n’oblige plus, dans le texte proposé, les inspecteurs à se déplacer dans la classe de l’enfant c’est-à-dire son domicile, la médiathèque du coin…. Nombreux sont les parents qui connaissent déjà le départ pour le contrôle à l’Académie avec une valise à roulettes regroupant toutes les productions de l’élève depuis le début (bah oui parce qu’en plus les inspecteurs changent souvent et ne disposent pas de l’historique de l’élève )
En lisant le texte du décret de manière à peine pessimiste, on peut tout à fait se représenter que le contrôle imaginé par le ministère consiste à inviter les enfants dans un local de l’Académie, de discuter quelques minutes avec les parents, puis de soumettre les enfants à une série de tests piochés dans les exercices donnés aux élèves de la classe correspondante dans les écoles de la République. Et pourquoi pas de rassembler dans une salle d’examen plusieurs examinateurs et plusieurs examinés en demandant aux parents de quitter la salle. (Si d’aucuns en doutent, sachez que c’est déjà l’usage “hors des clous” qui se pratique dans plusieurs académies sous prétexte de rentabilité du temps alloué )
Ce qui se passera après cet “examen” devenu légal par décret est une boîte noire qui n’est pas transcrite dans les nouveaux textes de loi. Que se passera-t-il si l’inspecteur dispose de tests écrits « prouvant » qu’un enfant n’a pas réussi à atteindre le niveau espéré par la progression dans le palier ? A-t-il l’obligation de proposer le brouillon de son rapport pour commentaire à l’instructeur? Sera-ce l’occasion d’une discussion sur les méthodes de l’instructeur-parent pour « corriger le tir » ? Aura-t-on besoin de « corriger le tir » si on parvient à faire valoir que nos choix pédagogiques n’impliquent pas de réussir des tests écrits ou de respecter des paliers de socle? Quelles preuves pourra-t-on conserver d’une inadéquation éventuelle du test avec les besoins de notre enfant ou son profil (dys, zèbre…), quand la seule chose qui restera de l’examen c’est une feuille d’exercices ratés par l’élève et l’appréciation à sens unique d’un inspecteur assermenté de fait?
Toutes ces questions sans réponse et l’expérience malheureuse de certains parents déjà avec le cadre législatif actuel laissent présager que la bienveillance sera parfois toute relative (quand on sait que la rapporteur de la commission du sénat en débat parle déjà de certains parents “qui n’ont pas les pieds sur terre”, que le ministre Kanner évoque “la recherche de médiatisation s’agissant d’un contrôle qui se passe mal” je vous laisse imaginer le champ d’interprétation possible par un inspecteur formé aux et convaincu par la méthodologie pédagogique mise en place de la primaire au collège).
C’est pourquoi les parents, les assos… tout le monde est parti en croisade contre ce décret qui est une atteinte manifeste à la liberté de choix d’instruction. Et pour partir en combat contre un décret qui n’existe pas encore officiellement, la seule issue c’est de se battre pour qu’il n’y ait pas de nouvelle loi, donc pas la possibilité de rédiger un nouveau décret.
En mai tout le monde s’est motivé pour prévenir les députés de l’assemblée des dangers du décret adossé à la loi. Tout le monde a fait les choses dans son coin. On a manqué notre cible. Et accumulé de l'expérience: pour parler d’une loi anodine en apparence adossée à un projet de décret qui n’existe pas encore officiellement il faut avoir des démarches personnelles auprès des représentants de la République, avoir un plan structuré pour faire en sorte de les convaincre individuellement sans en oublier au passage, et surtout faire en sorte qu’ils soient tous présents lors du vote..
Le texte du 14 b n’a pas été retiré ni changé malgré un certain nombre de députés alertés ou gagnés à notre cause. Les débats affreux ont essentiellement parlé de protection des enfants contre les sectes et le terrorisme, et les arguments des pro-ief n’ont pas été entendus,
ou si peu. Les enfants ief de Saint Denis ont pris cher dans les débats, souvent cités en exemple pour justifier l'obligation de contrôles dont la plupart des députés semblaient ignorer qu’ils existaient déjà. Le texte de la loi est resté « L’autorité compétente de l’État détermine les modalités du contrôle » (et justifie toujours le décret).
Cet été la loi a été transmise au sénat qui a analysé tous ces points. Les associations nationales, -pas nous malgré mes demandes-, ont été convoquées à une table ronde menée par la rapporteur de la commission spéciale du sénat saisie de la loi Egalité Citoyenneté incluant le 14b. Madame Gatel. Elle a compris en partie les questions légitimes des parents.
Mais elle n’a pas souhaité, non plus, entièrement le 14b du texte qu’elle
présentait, avec sa commission, aux autres sénateurs. Elle a juste admis que si le but de la loi proposée par le ministre Kanner était de contrôler les dérives terroristes alors il fallait admettre que les contrôles se passent plutôt à la maison, sinon ça n’avait pas de sens.
Le texte qui a été soumis au vote des sénateurs mardi 5 octobre a donc été transformé en ce sens « L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation détermine les modalités du contrôle. Le contrôle est effectué sur le lieu où est dispensée l’instruction, sauf décision motivée de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation. » . Plusieurs sénateurs ont proposé là aussi pendant les débats,
des choses affreuses à base de terrorisme, de soumettre nos enfants à un examen médical obligatoire, de demander l’autorisation de faire l’IEF…. Mais aucun n’est passé. Ouf, on a bien préparé le terrain. A priori donc les tests réglementés par le décret devront avoir lieu à la maison sauf “motivation” de l’Académie. Ce qui en soit veut tout et rien dire, puisqu’on ne sait pas ce qu’est une motivation recevable.
A noter, on s’était beaucoup investi avec la fédé -et là on est sûrs aussi d’avoir alerté tout le monde et pris des contacts personnels avec un sacré paquet-
autour d’un amendement n°309 qui aurait pu encore préciser les modalités du contrôle et qui aurait changé le texte comme suit : « L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation détermine les modalités du contrôle. Le contrôle est effectué, dans le respect des choix pédagogiques des parents, sur le lieu où est dispensée l’instruction, sauf décision motivée de l’autorité compétente de l’État. » . Il a été signé par 20 sénateurs qu’on a contacté. Cet amendement aurait rendu le décret de juin sans doute un peu plus compliqué à justifier et aurait offert aux parents lésés lors d’un contrôle la possibilité de faire un rappel à la loi… Malheureusement il n’est pas passé non plus, la sénatrice de Menton qui le portait l’ayant retiré de son propre chef pendant les débats, convaincue par les arguments de Mme Gatel concernant “la brèche” que lui semblait ouvrir cet amendement dans les contrôles qui se passent mal. Nous on aurait plutôt dit la possibilité de faire respecter nos droits. Mais bon...
La loi suit sa procédure normale s’agissant d’une loi « en procédure accélérée ». Elle sera discutée au sénat jusqu’au 12 octobre. Après le 18 octobre, elle retourne à l’Assemblée Nationale ou une commission mixte paritaire de 6 députés et 6 sénateurs devra définir si les modifications proposées par le sénat sont pertinentes ou non.
Ils doivent se mettre d’accord sur un texte final. Ils peuvent encore retoquer complètement l’article 14b mais ce serait étonnant, ou faire revenir le texte dans l’état où il était avant son passage au sénat, donc sans mention pour le lieu du contrôle.
Après, la loi sera officiellement votée, publiée au Journal officiel et le décret d’application sera sans doute traduit en circulaire à l’usage des inspecteurs d’académie pour la conduite des tests.
Si nous ne sommes pas d’accord avec le texte du décret, en opposition à la liberté de choix d’instruction, il faudra sans doute passer par la voie juridique. Et c’est assez compliqué à titre individuel (il faut attendre qu’un inspecteur décide de rescolariser son enfant au nom d’un test raté, et là attaquer en disant que le test est contraire à la liberté de choix d’instruction), parce que c’est un combat qu’on mène souvent seul et qui peut avoir des conséquences familiales dramatiques, malgré le soutien d’assos ou de proches..
On peut aussi explorer des voies juridiques plus globales pour essayer de démontrer que le décret ne respecte pas la liberté de choix d’instruction et pose des questions en matière de constitutionnalité. (C’est un peu ce qui est arrivé à l’arrêté anti burkini, dont le conseil d’état a jugé qu’il était anticonstitutionnel). Mais pour saisir le conseil d’état c’est une autre paire de manches. C’est pourquoi la création d’une fédération d’intérêt général, représentant un maximum de gens par un avocat apte par exemple à plaider au conseil d’état, fait sens. Mais n’est à ce jour une garantie de rien. Et trouver le cador qui prendra fait et cause pour tous, n’est pas une recherche qui se fait à la légère, ni sans financement. En répartissant le poids du financement et la recherche du BON profil entre plusieurs personnes, on ne sera que plus efficace.
La fédération FELICIA semble prendre forme. En quoi pourrait-elle changer la donne à l'avenir?
Elle n’a pas prétention à changer la donne je crois. Poser des garde-fous généraux plutôt. Elle vise essentiellement à se positionner en référent de réalités d’instructions différentes, représentées déjà par plusieurs associations qui font très bien leur travail et leurs actions dans leur microcosme régional ou thématique, mais n’abordent toutes qu’une partie de la réalité des familles en France. Entre une association pour la liberté d’apprendre différemment, une autre qui milite pour l’épanouissement ou les méthodes alternatives, une école hors contrat, des écoles en CPC, des associations de rencontre entre IEF d’une même région, des associations culturelles ou philosophiques en IEF etc. Il y a un large éventail de réalités. Qui aujourd’hui voient les actions à mener chacune par leur prisme particulier, ne peuvent pas toutes, par leurs statuts actuels ou par leur taille, se positionner en association d’intérêt général ou se mettre en ligne dans une quelconque action en justice.
L’idée à la base de la fédération est de se dire qu’en cumulant les dénominateurs communs à toutes ces associations, en y ajoutant la voix de parents qui ne se retrouvent aujourd’hui dans aucune des associations existantes on devient une force de réaction et de prise de position forcément plus importante. On écoute forcément de manière plus attentive une association qui représente 10 000 personnes que 7 associations de 1000 personnes plus une série d’isolés. On produit forcément plus d’actions coordonnées quand on s’y met tous ensemble que chacun de son côté, avec des succès divers et des moyens qui se chevauchent parfois.
On essaie aussi de créer cette association conformément aux règlement qui lui permettraient de se piquer d’ester en justice sur les cas manifestes d’atteinte à la liberté de choix de l’instruction et des apprentissages. C’est passionnant et très complexe, mais le temps presse et les journées ne font que 24h.
Concrètement, que peut-on faire pour t'aider? Recherches-tu des profils particuliers?
M’aider moi, pas grand-chose, sauf à connaître un profil de magicien pour élargir la durée d’une journée. 😀
Mais pour aider tout le monde en IEF il y a plein de manières via la fédé. On a pas mal galéré (ça a été houleux il faut l’admettre) cet été à définir des statuts de fédération qui impliquent que tout le monde soit partie prenante du projet et pas uniquement une petite équipe qui serait la « tête pensante » de la fédé et penserait à la place de ses membres. Certains ont pris leurs distances, d’autres sont montés ou remontés à bord, et quelques voix en gardent une certaine rancoeur. Je ne savais pas mais il faut croire que c’est le lot de la création de ce genre de projet fédérateur. On ne contente pas tout le monde tout de suite, on passe sans doute trop de temps chrono à asseoir des règles qui conviennent au plus grand nombre et ça fait parfois bouillir les esprits au vu du timing serré dont on dispose pour agir. J’ai l’espoir de croire que plus les bases sont solides et moins l’ensemble peut être laminé à la moindre bourrasque.
Le pire travers serait de tomber dans une perpétuelle discussion de philosophie ou d’ego au détriment de l’action, et la structuration nécessaire accapare effectivement beaucoup de temps de cerveau disponible (comme disait l’autre). Il faut trouver le juste équilibre.
Mais c’est vrai aussi qu’au vu de la multitude de chantiers à mener de front, du besoin d’avancer rapidement sur des sujets multiples et parce qu’on a défini un mode de fonctionnement assez ouvert et “investissant”, il faut que chaque participant se responsabilise dans une démarche tout sauf attentiste: si tu as une idée pour faire avancer un des aspects de la fédé ou de ses combats, tu te signales, on étudie ensemble ce que représente ton idée et où tu peux l’emmener. Ensuite on t’invite à constituer une petite équipe de choc qui se met des objectifs clairs, datés, jalonnés quant à la réalisation de ton idée. Et quand ton projet a abouti au résultat préparatoire espéré, on le soumet au vote de tous. Là, si il remporte l’adhésion, on le met en application l’instant d’après. Dit comme ça on dirait les règles d’une communauté hippie. Je sais, c’est aussi la remarque que j’ai faite avec ironie en arrivant en juillet dans les débats au moment ou plusieurs membres ont proposé ce modèle de fonctionnement collaboratif qu’on a ensuite affiné. Mais il faut plutôt le voir comme la mutualisation des cerveaux et des savoir faire pour aller plus vite, plus loin, plus efficacement. Ca a fini par me séduire.
Un exemple simple : quand on s’est dit qu’il fallait trouver un moyen de prévenir les sénateurs que le projet de loi allait leur arriver on a créé un chantier spécifique. On ne s’est pas contenté de proposer à tous les « membres » des éléments de langage sortis de la tête d’un chef de fédé. On a segmenté le truc comme un projet d’équipe. Certains se sont occupés de la lettre type, d’autres de lister les sénateurs à contacter, d’autres ont traqué les fautes dans les courriers que les « membres » se sont proposés d’envoyer, on a essayé de centraliser toutes les démarches histoire d’être sûrs que tous avaient été contactés, on a fait des relances téléphoniques systématiques des assistants parlementaires, et même travaillé à écrire l’amendement 309 dont on regrette qu’il ne soit pas passé.
Autant de tâches impossibles à gérer à deux ou trois, qui se sont avérées possibles avec la force du nombre et la répartition des tâches. C’est sûr qu’on aurait préféré t’annoncer une petite victoire qui nous auraient évités les esprits narquois qui nous regardent de l’extérieur, mais on a au moins la certitude qu’à chaque étape du projet de loi au sénat, on n’avait aucun trou dans la raquette. On a la certitude d’avoir été au plus loin de ce qu’on pouvait faire.
Pour aider Felicia, du coup, il n’y a qu’une seule méthode : se proposer avec ses compétences pour aider à un chantier en cours, ou identifier un chantier utile auquel on a pas encore pensé et qu’on veut mener à bien. La phrase que je répète le plus depuis Août aux gens qui croisent la route de Felicia par la page Facebook ou dans les échanges qu’on peut avoir c’est “qu’on se fiche de savoir ce que tu ne sais pas faire, par contre dis-nous en quoi tu excelles , on va t’aider à aider la création de cette fédé avec ce super pouvoir».
Et franchement les apports sont variables. On a des actions très ponctuelles qui ont permis par exemple de trancher rapidement sur le nom de la fédé de la part d’un papa qui nous a dit qu’il avait quinze jours et pas plus’ pour s’investir. On a des gens qui sont d’une aide précieuse en relecture, en recherche d’outils ou de solution technique, en apport d’idées à première vue farfelues mais qui aident à voir le problème sous un autre angle, on a de très bons chefs de projets, des traducteurs de jargon politique, des meneurs d’hommes et de femmes percutants, des spécialistes de la création d’asso, des graphistes, des as du résumé, des gens qui ont le temps de mener des recherches de fond, de proposer des premières moutures…
Dans les urgences du moment, il y a bien sûr le débroussaillage du volet juridique qui va mobiliser pas mal de bras et de cerveaux pour identifier, argumenter, synthétiser les possibilités. Mais d’autres chantier sont déjà ouverts : quid de l’après 14b s’il passe ? doit-on proposer un livret type pour les cas d’enfants avec une particularité en IEF, pour les faire connaître mieux des inspecteurs ? Comment sensibiliser l’autorité publique de tous les contrôles qui se sont passés ou se passent mal ? Faut-il proposer un référentiel de contrôle ? Doit-on alerter la presse? Une pétition est-elle utile…. Et mille autres qui naîtront au fil des idées des membres pour défendre la liberté de choix de l’instruction et des apprentissages
Si on avait pas établi ce mode de fonctionnement « une idée = une équipe => un résultat » on ne pourrait pas se permettre de réagir rapidement à chaque avancée du projet de loi malgré à peine deux mois “d’existence”. On a donc surtout besoin de gens impliqués et d'un peu de temps de chacun d’eux pour continuer d’avancer sur tous les terrains nécessaires. Cette fédération par le modèle de fonctionnement qu’elle s’est choisi ne pourra exister que si des gens se mobilisent avec leur opiniâtreté et leurs idées pour la faire vivre. Si elle ne trouve pas les relais qu’elle espère auprès des gens qui ont en commun la défense de leur droit au choix… Oui elle ne sera qu’une coquille vide, ou au mieux une association de plus, au pouvoir d’action et à la représentativité limitée. Ce n’est clairement pas ce que je souhaite aux instruits en famille.
Donc bah… venez quoi, il n’y a aucun petit apport. La seule qualité nécessaire est celle d’être capable de se prendre en main seul et ne pas attendre que quelqu’un vienne nous relancer sur la partie de projet qu’on a choisi de porter, si petite ou grande soit-elle. Ca va c’est maigre comme contrainte.
Je te souhaite une bonne soirée. Et merci pour tout ce que vous faites avec FELICIA!
Merci Laura, mais tu sais que ton blog est pas mal non plus ;-) Faire savoir, c’est aussi « Faire ».
Tu nous rejoins du coup?
Avec joie!