Ce matin a eu lieu la tant attendue
conférence de presse de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, au sujet de l'instruction en famille et des écoles hors contrat.
Sans surprise, voici ce qui devrait changer:
-A
ugmentation du nombre d'inspections, grâce à un renfort de profs (qui toucheront pour cela des indemnités de mission particulière). Autrement dit vous ne serez plus forcément inspectés par un inspecteur d'académie, mais potentiellement par un professeur des écoles.
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Des contrôles inopinés (Il n'est pas précisé si ces inspections surprise ne concernent que les écoles hors contrat: à préciser)
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Des tests oraux et écrits: les inspections consisteront en un entretien avec la famille, suivi d'exercices, oraux et écrits, pour évaluer le niveau de l'enfant.
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Le choix des modalités et du lieu du contrôle reviendra désormais exclusivement à l'inspection académique: chez vous, à l'inspection académique, dans une école... Motorisés ou pas, débrouillez-vous.
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En cas d'échec deux fois de suite ou de refus de contrôle, les familles seront mises en demeure de scolariser leur enfant (Ce qui ne représenterait pas une obligation de résultat... c'est tellement limpide qu'on n'y avait pas pensé!)
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Le programme: les contrôles porteront non plus sur l'acquisition du socle commun des compétences à 16 ans, mais sur la progression de l'éducation nationale. Autrement dit les familles auront désormais l'obligation de suivre la progression des écoles sous contrat pour chaque cycle. Nous sommes assurés que nos choix éducatifs seront respectés... ce qui est un non sens puisqu'ils devront être conformes à la progression définie par le ministère!
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Les maires seront rappelés à l'ordre sur le contrôle social. Le ministère de l'éducation nationale collaborera avec les mairies afin de s'assurer qu'elles suivent systématiquement les familles pratiquant l'instruction en famille.
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Les "bonnes moeurs": l'instruction dispensée devra être "conforme aux bonnes moeurs". C'est un terme subjectif, totalement dépourvu de sens juridique: les "bonnes moeurs" correspondent à l'idéologie en vigueur.
Evaluer le niveau, vraiment?
Les exercices oraux et écrits destinés à évaluer le niveau des enfants instruits en famille posent plusieurs problèmes:
-l'éducation nationale ne peut pas être à la fois juge et partie. Pour évaluer la qualité de mon pain maison, je n'irai pas demander son avis au boulanger de ma rue. Pourtant mon pain est une tuerie je vous assure!
-ils vont à l'encontre de la liberté éducative. Mes enfants vont bien au delà du programme de l'éducation nationale dans la plupart des matières. En revanche, en dehors de mon petit passionné de programmation, ils ne font pas d'informatique. Ils ne font pas non plus d'anglais écrit avant le CM1. En CP, sauf exception, ils ne savent pas écrire leur prénom avant d'en avoir étudié toutes les syllabes, ce qui peut arriver à la fin de l'année... or c'est une compétence attendue en petite section de maternelle je crois!
Bref, nous n'avons ni les mêmes objectifs, ni les mêmes méthodes de travail.
-mettre en situation d'examen un enfant de 6, 7 ans.... est-ce bien raisonnable? Imaginez-vous à cet âge, dans des lieux inconnus, avec des étrangers, avec pour épée de Damoclès une scolarisation forcée... Pensez-vous que ce soit adapté pour un petit?
Les parents d'élèves accepteraient-ils que leurs enfants scolarisés en primaire passent un examen annuel dans les locaux de l'académie pour "évaluer leur niveau", avec changement d'établissement à la clef en cas de ratage?
-des exercices donnés par une tierce personne ne peuvent absolument pas estimer correctement le niveau d'un enfant. Si vous demandez à mon enfant de CP de réciter l'alphabet il en sera bien incapable, même s'il lit parfaitement, parce que nous ne l'apprenons qu'en ce1 (pour les recherches dans le dictionnaire). Et si vous demandez à mon fils de 9 ans de "souligner les noms noyaux puis de barrer les expansions du nom superflues" ou d' "enrichir les groupes nominaux", vous risquez de croire qu'il n'a jamais fait de grammaire, alors qu'il fait chaque jour de l'analyse logique et de l'analyse grammaticale, ce qui est autrement plus poussé. Enfin récemment un de mes enfants a été hospitalisé et nous avons dû composer avec l'envahissante "directrice de l'école de l'hôpital", choquée parce qu'en ce1 il ne savait pas écrire toutes les lettres CAPITALES pour remplir son exercice-mot croisé. Il sait parfaitement les lire mais en ce1 il n'a jusqu'ici écrit qu'en cursives. Nous verrons les capitales vite fait en cm1, pour la géométrie.
Nous travaillons juste différemment: nous n'employons ni la même terminologie, ni les mêmes méthodes. Je ne suis pas certaine qu'un test écrit ou oral, totalement arbitraire (contrairement à un examen national dont les attendus sont fixés au préalable), sans savoir ce que nous avons fait et comment nous travaillons, puisse refléter le niveau réel des enfants instruits en famille.
L'éducation nationale est-elle qualifiée pour apprécier la qualité de l'instruction en famille?
Je tomberai peut être sur des gens formidables, respectueux et ouverts d'esprit. Mais désormais il va falloir vivre avec l'idée que ce sont peut être aussi ces guignols là qui viendront juger notre instruction en famille (extraits choisis, tirés du groupe Facebook tous professeurs des écoles"):
"
Bonjour dans ma classe il n'y à aucun livre pas de coin bibliothèque je voudrai donc prendre un abonnement"
"Dans ma nouvelle école, il y a très peu de livres (une bibliothèque quasiment vide et aucun livre dans la classe...). Il est donc difficile de proposer aux élèves des livres à lire."
"Un parent d'une de mes élèves a agressé verbalement un autre de mes élèves dans l'enceinte de l'école (menace de mort, de venir chez lui et intimidation physique).Que leur dire ? "
"je trouve que le niveau des enfants baissent" (sic)
"vous êtes à jour dans vos programmes ?"
réponses par dizaines: "Meuh non! Mon inspecteur m'a dit plusieurs fois que c'est utopique de penser boucler le programme!"
"On a copié Promettre au passé composé avec le pp "promi" "
"Connaissez-vous des versions de contes "non sexistes" ? Par exemple, le Petit Chaperon Rouge avec pour héros un petit garçon si joli que tout le village l'aimait ? Le Petit Poucet incarné par une fille petite mais extrêmement malicieuse ? Ainsi que des contes avec des amours gays ? Une fois une élève m'avait apporté "La princesse qui n'aimait pas les princes", c'était très mignon, la princesse tombait amoureuse d'une fée, aucun prince ne l'intéressait vraiment."
-"Boucle d'Ours ! Un petit ours qui veut se déguiser en Boucle d'Or pour un carnaval, mais Papa Ours n'est pas d'accord... Et c'est lui qui termine déguisé avec une perruque blonde et une robe rose, il est top !"
"j'ai lu avec mes MS/GS, le livre "Poupoule" de Loufane où la petite poule est amoureuse mais pas du coq comme toutes les autres. On découvre progressivement et c'est confirmé à la fin que la poule est amoureuse du renard."
" je suis contre ces gens qui refusent l'instruction républicaine afin que leurs enfants ne soient pas mélangés avec la racaille du peuple et les enseignants incompétents dans des écoles où leurs enfants seront de temps en temps sanctionnés ou où les méchants vaccins sont obligatoires."
"Pour le spectacle de fin d'année, les élèves ont commencé à apprendre le contraire de tout des orgres de Barback, il y a des gros mots dedans con et cul .... Est ce que les parents du groupe ca vous choque?"
-"J'ai fait ça avec une chanson de Mika tout en expliquant aux élèves que le mot connard je savais qu'ils connaissaient mais que devant leurs parents c'était pas très correct"
"Je suis dans une école avec un public de zep en CE2, un tiers de ma classe sait à peine déchiffrer, et a de grosses difficultés en mathématiques."
"j'ai un cm1 non lecteur, deux ce2 non lecteurs aussi et qui ne veulent pas rentrer dans les apprentissages, des élèves en grosses difficutés. je suis épuisée et je ne parviens pas à m'y retrouver."
"Je veux mettre en place un rallye lecture Max et Lilli l'an prochain pour mes CE1"
"J'aurai un CM1 assez faible avec des élèvesNON lecteurs et des élèves NON francophones.Comment gérez-vous la classe pour que tout le monde avance?"
"Horrible ma classe!!!! Les ce1 pas autonomes et non lecteurs...et des d'élèves vilains.. Ou des cas..."
"je fais partie de la promo 100% PES où tu obtenais le concours en juin et tu faisais la rentrée dans ta classe (ou tes classes) à 100% toute l'année sans aucune formation (surtout pour moi qui venais d'un autre master, je n'avais jamais mis les pieds ds un iufm)"
"Le plus dur pour moi est de faire croire aux élèves et aux parents que je connais le métier. Non seulement on est dans la galère pour ne pas dire plus, mais surtout faut le dire à personne."
"Une vigilance égale pour tous les enfants de la nation": vraiment?
Mme Vallaud-Belkacem a terminé son discours en se félicitant que tous les enfants de la nation bénéficient bientôt d'une même vigilance concernant leur droit à l'éducation.
A titre de rappel... les enfants scolarisés dans les écoles de la république ne sont absolument jamais inspectés. Seuls les enseignants peuvent l'être, et encore puisque
ces inspections sont facultatives! Un enseignant de l'éducation nationale peut tout à fait, aujourd'hui en France, refuser de se faire inspecter. Son augmentation de salaire sera certes un peu plombée, mais c'est son droit. Il ne sera pas mis à l'écart pour autant et continuera d'enseigner.
Je résume:
-l'éducation nationale n'a aucune obligation de résultat. Elle en impose en revanche une aux écoles hors contrat et aux familles pratiquant l'école à la maison.
-d'ailleurs heureusement pour elle étant donné ses résultats ( moins de 80% des jeunes de 16 ans sont "des lecteurs efficaces". Chiffres japd.)
-en cas de mauvaise inspection ils continuent à sévir sans aucune conséquence.
-le prof de votre enfant peut parfaitement exercer en ayant un casier judiciaire. C'est "à l'appréciation de l'administration". Dans les faits, faute de moyens,
les casiers des enseignants ne sont presque jamais contrôlés. En 2015, 27 enseignants ont été radiés pour faits de pédophilie: la plupart d'entre eux a sévi durant plusieurs années.
-enfin, 700 600 élèves scolarisés dans les écoles de la République sont victimes de harcèlement. 383 000 enfants le sont "sévèrement". C'est un enfant sur 10, et c
'est eux qui le disent.
Alors non, Madame Vallaud Belkacem, la vigilance aujourd'hui est loin d'être égale pour tous les enfants de la nation.