vendredi 18 décembre 2015

Charlotte Mason: Quels supports pour la narration?

J'ai pleinement réalisé récemment l'apport de la narration. Emballée par les préceptes de Miss Mason, j'étais déjà convaincue par cet exercice, mais je n'avais pas énormément d'attentes à son égard. Lire puis laisser l'enfant raconter.... en apparence c'est si simple, presque anodin! Je comprends maintenant, après plusieurs années de pratique, à quel point la narration est essentielle. 

Cet exercice est le plus difficile et le plus complet qui soit. Il fait travailler la mémoire plusieurs fois par jour, habitue les enfants à se concentrer, à organiser leur pensée, à classer des éléments par ordre d'importance, à restituer un récit de façon chronologique, à prendre la parole debout face à une petite assemblée... en plus d'enrichir considérablement leur vocabulaire et leur culture générale. Il remplace les quizz, fiches de lecture, questionnaires de compréhension et autres évaluations: avec la narration non seulement l'enfant mémorise, mais on sait parfaitement ce qu'il a retenu et où il en est de ses apprentissages. 

Sans être pour autant au centre de la pédagogie Charlotte Mason, il en est une composante essentielle dans de nombreuses matières et les enfants sont habitués désormais à travailler ainsi. Ils sont aujourd'hui capables de restituer un récit de plusieurs pages dans ses moindres détails, après une seule lecture et sans prise de notes.


Help! Je ne sais pas par où commencer!

Voici quelques principes de base: 

-La narration, en quelques mots, c'est: l'adulte lit un extrait littéraire puis l'enfant le raconte à haut voix. 

-C'est un exercice difficile, donc prohibé avant six ans. Commencé trop tôt il risquerait de braquer l'enfant. Charlotte recommandait de ne pas formaliser les apprentissages académiques avant l'âge de six ans, et cela vaut dans tous les domaines: si un petit veut raconter son livre ou sa journée spontanément, tant mieux: on l'écoute. Mais on ne devrait jamais lui demander de le faire (oui, c'est dur!). 

-Charlotte demandait aux parents et aux précepteurs de faire cet exercice eux mêmes avant de l'instaurer dans leur quotidien, pour comprendre son fonctionnement et ce qui peut poser problème. 

-Jusqu'à neuf ou dix ans, c'est toujours l'adulte qui fait la lecture à voix haute avant de laisser l'enfant raconter. Au delà de cet âge on peut laisser les enfants lire silencieusement avant la narration. 

-On ne lit qu'une seule fois. L'enfant sait qu'il n'y aura aucune seconde lecture: il doit s'habituer à tout retenir du premier coup. S'il ne se souvient de rien au début tant pis: on passe à autre chose et on recommence avec un autre récit tous les jours, jusqu'à ce qu'il se familiarise avec l'exercice.

-Ce sera très approximatif au début: c'est normal. Pour aider l'enfant qui ne sait pas par où commencer, on peut, au début, l'orienter avec de petites questions. 

-Quand plusieurs enfants ont suivi la lecture on divise le récit et les enfants se succèdent pour en faire la narration: l'un prendra le début, le second le milieu, et le dernier la fin. Personnellement je tire au sort l'ordre de passage. 

-La narration est toujours orale avant dix ans. On peut ensuite demander des narrations écrites, mais en ne délaissant jamais l'exercice de la narration orale. 

-L'idée n'est pas de réciter mais de restituer tout ce que l'on a retenu d'un récit pour se l'approprier.

-La narration orale a lieu debout, face à l'auditoire. 

-Une narration n'est jamais corrigée. L'enfant peut être repris toute la journée pour ses fautes de français, mais pas durant la narration: il doit s'habituer à prendre la parole seul et à raconter une histoire face à une assemblée qui l'écoute en silence. Si un gros défaut a besoin d'être corrigé (mains dans les poches, triturage de cheveux, "euuuuuuh" etc... : penser à en faire le rappel avant la narration, pas pendant).

-En revanche on peut encourager par des sourires, des hochements de tête... et des félicitations à la fin! Ici nous avons pris l'habitude d'applaudir: les petits adorent!

-Une fois par trimestre, Charlotte Mason demandait des "narrations orales de synthèse". Elle donnait un sujet dans chaque matière, et attendait de l'enfant qu'il mobilise toutes ses connaissances et organise une longue réponse structurée et argumentée avec de nombreux exemples. C'est une khôlle de prépa adaptée aux plus jeunes: cela lui permettait de se faire une idée du niveau de chacun et d'évaluer la progression, tout en exerçant les enfants à organiser leur savoir.

Pour toutes les matières? 

Dans une instruction Charlotte Mason, la narration n'est pas présente dans toutes les matières (elle est absente en poésie, écriture, copie, grammaire, langues étrangères, histoire de l'art, musique et mathématiques). La narration seule ne suffit pas, l'enfant a aussi beaucoup besoin d'écrire. Mais c'est une composante essentielle en:
- histoire, 
- géographie, 
- Bible, 
- sciences 
- et littérature/ culture générale. 

De quelle longueur devrait être l'extrait lu? 

On le voit vite à l'usage! Très court au début, il s'allonge avec les années. Si l'enfant bloque complètement, ne pas hésiter par commencer avec une seule phrase. Charlotte Mason conseillait de ne pas excéder 15 minutes de lecture et 15 minutes de narration. 

Quels supports choisir pour la narration? 

Tous les living books sont appropriés à cet exercice. Mais pour commencer, il vaut peut être mieux opter pour de courts contes ou fables. 

Sur les chemins de France par exemple est un excellent recueil de petits contes découvert grâce aux cours Sainte Anne. 

Usborne édite de très beaux livres sur la Bible, sur les mythes grecs et nordiques, les grands ballets... 


Par ailleurs je n'ai ni action ni partenariat avec la librairie des écoles (ni avec aucune marque d'ailleurs) mais les petits homeschoolers et moi sommes absolument fan de leur série de beaux livres. Ils sont tout simplement parfaits: une page = une narration. Les illustrations sont somptueuses, les récits captivants, et les anecdotes bien choisies. 


Et chez vous, avez-vous mis cet exercice en place? 
Comment se passent les narrations? 

12 commentaires:

  1. Cet article tombe à pic !
    Je suis justement en préparation d'un article sur notre méthode de narration, pas totalement conforme à Mason mais que veux-tu, je fais mon petit bouillon maison.
    Merci Laura pour ces précieux conseils de qualité.

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  2. merci pour ces précisions supplémentaires nous utilisons beaucoup les livres que tu as mis et je confirme qu'ils sont top, ma fille aime beaucoup.
    Au plaisir de te lire ;-)

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  3. merci pour cet article encore bien fouillé !
    question concernant ce point-ci : "-Quand plusieurs enfants ont suivi la lecture on divise le récit et les enfants se succèdent pour en faire la narration: l'un prendra le début, le second le milieu, et le dernier la fin. Personnellement je tire au sort l'ordre de passage. " : tu tires au sort avant ou après la lecture ? = savent-ils d'avance sur quelle partie ils vont "tomber" ?

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  4. Pas de narration pour l'instant chez nous, mais ça ne saurait tarder... Merci pour cet article très intéressant et ce partage. Bonnes Fêtes.

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  5. Merci beaucoup, la narration me tente vraiment. Mon fils est scolarisé mais tous les jours je lui fais lire un chapitre d'un livre de lecture suivie puis je lui pose quelques questions, pour consolider sa lecture. J'avais prévu, à partir du CE2, d'utiliser comme supports les livres de la Librairie des Ecoles : lui faire lire une double page et lui demander une narration.Vous dites que c'est l'adulte qui doit lire : je fais une entorse à la règle en le faisant lire lui-même ou tant pis, je ne lui demande pas de lecture personnelle quotidienne, l'exercice étant déjà suffisamment riche ? deux autres petites questions : est-ce que la narration peut être bénéfique à un adulte ou est-ce que les mauvaises habitudes (manque de concentration en lisant) sont trop installées ? Est-il possible de laisser du temps (quelques heures à une demi-journée) entre la lecture et la narration ? par avance merci

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  6. J'ai été en stage dans une école (public) où l'enseignante le faisait avec sa classe, tous les matins, à l'accueil.
    C'est vrai que c'est assez impressionnant de les voir faire et bien réussir cet exercice.

    Elle utilisait le livre philofable, et les élèves le reformuler dans un premier temps. Faisait donc la narration.
    Puis toujours à l'oral elle faisait dégager la morale de l'histoire, si elle n'avait pas été donné par le dernier narrateur.
    Puis une partie du texte était utilisé pour faire des exercices de grammaire.

    Moi ma puce a 3 ans, quand elle me demande de lire des livres je le fais en général volontier, quand j'en suis au 5e et qu'elle demande encore, je lui propose de me raconter l'histoire puis que moi je lui lirais. Bien sur c'est uniquement avec les livres qu'elle connait très très bien. Et si elle a besoin je l'aide à organiser ses idées, ou à prononcer un mot.

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  7. Très bon article, Laure, et très complet ! Merci !

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  8. Vraiment intéressant ton article. Nous n'avons pas pratiqué la narration comme vous le faites, mais tu en fais une présentation complète avec de visibles intérêts. Je vais relayer ton billet, il en vaut vraiment la peine ! Merci.

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  9. La narration, exercice essentiel!

    Je la pratique depuis que les enfant sont petits, vers l'âge de cinq ans avec les garçons et sept ans avec la demoiselle. Le dernier de trois ans n'a pas besoin qu'on le pousse beaucoup pour raconter tout ce qu'il a vu, écouté, entendu, mais ce n'est pas encore le moment, il a besoin de jouer.

    Que c'est compliqué avec les grands, misère...pour la simple et bonne raison que pour les deux aînés je n'ai pas persisté puisque scolarisés. Quelle grosse erreur!

    Ils s'y remettent cette année en 5e et 3e, et sont d'ailleurs interrogés à l'oral par leurs professeurs du Sacré Coeur en toutes matières (dont le latin et les LV) hormis le français et les maths.
    Et bien laisse-moi te dire qu'ils détestent. Pas du tout habitués qu'ils sont et étant très introvertis.
    Mais j'insiste en employant des textes que nous lisons quotidiennement dont certains bien connus d'eux, puis avec leurs leçons. La préparation est excellente, les résultats se voient déjà.

    Il permet aussi de reprendre les carences de l'EN en matière d'organisation de la pensée (réelles et dommageables à court, moyen et long termes), et là c'est LE gros chantier, THE défi pour la maman homeschooleuse que je suis.
    Je dois reprendre avec eux la base de l'expression écrite niveau CM et pour m'aider la narration est idéale.

    Donc aux parents qui hésitent , je vous recommande vivement de vous lancer dans cet exercice remarquable il n'est JAMAIS trop tard, il peut débloquer des situations difficiles, aider à façonner l'estime de soi, le respect mutuel, l'écoute réciproque, délier (un peu) la langue des timides, apprendre à se concentrer.
    La routine prend une autre dimension.
    Et on y gagne beaucoup de temps en fin de compte.


    Pour ce faire je prends les histoires du site l'Histoire du Soir, la Bible et la portion de Torah et NT hebdomadaire, les cours, leurs lectures diverses, et vais étoffer avec la Librairie des Ecoles que j'aime mais dont les délais de livraison sont juste insupportables, à moins qu eje n'ai pas eu de chance à chaque fois
    Je vais tenter de voir ce que je peux récupérer dans leurs locaux à Paris.

    Merci pour ce beau billet, un réel plaisir que de lire tes merveilles.

    Ahelya

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  10. Bonjour
    Nous pratiquons la narration façon CM depuis plus d'un an; nous avons toujours fait la lecture à voix haute, et complétons les apprentissages avec des romans...
    Donc, la narration quotidienne, avec ma nièce de 11 ans, c'est moment très apprécié. nous passerons à la narration écrite à la rentrée de septembre. je profite de ce temps pour introduire les classiques plus ardus et les philosophes.

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  11. Bonjour,
    Je démarre la narration avec ma fille de 9 ans étant très intéressée par l'explication que vous en avez fait, je voudrai lui faire profiter de cet exercice qui me semble bénéfique à long terme (notamment pour la compréhension et la restitution). À suivre...

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  12. J'ai découvert le terme récemment, mais pourtant c'est un fonctionnement que mon fils a depuis toujours (ou tout du moins depuis le premier jour de petite section, jour ou il m'a raconté spontanément et de manière suffisamment précise le livre "la pomme rouge" pour que je parvienne à en retrouver le titre et l'auteur en cherchant sur internet). Très bavard, il aime raconter les choses le soir à son papa, à ses doudous... Et je me dit que ça peut être un support pour les plus jeunes, pour ne pas avoir cette pression de l'auditoire ? Souvent quand il est content d'avoir appris quelquechose de nouveau, il va chercher ses doudous et prends la place du maître pour leur apprendre à son tour. Je ne pense pas que ce soit anti-naturel avant 6ans (avant de lire cet article j'aurais naïvement pensé que la narration pouvait débuter dès que l'enfant dispose d'assez de vocabulaire). Parfois c'est moi qui initie la narration, en lui demandant de me raconter l'histoire lue à l'école (si il s'en souvient et qu'il a envie, parfois il me dit juste "je ne sais plus"), ou avec un doudou qui le questionne (les doudous sont parfois un peu bête, et c'est très drôle comme jeu, ça le place dans une position de supériorité rassurante et ça lui permet de rester plus informel qu'avec un adulte). J'aime de "travail" qui n'en a pas l'air et qui ne demande aucun matériel, surtout quand on le combine au jeu. Et en tant qu'adulte, je me rends compte que je comprends généralement mieux les choses quand j'ai eu besoin de les expliquer à quelqu'un... c'est vraiment très formateur, c'est une bonne chose d'arriver à introduire ça dans la routine :)

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