mardi 6 décembre 2016

École-maison: le bêtisier du jargon pédagogique

Voilà pas mal d'années maintenant que je baigne dans le vocabulaire du homeschooling en France.  Certes, en nous tenant à distance des écoles nous limitons les dégâts: svt, nap, eps, emc, rep... Les acronymes de l'éducation nationale c'est comme les compositions florales, ça marche toujours par trois. J'ai même récemment été interrogée par une amie instit sur ce que nous faisons en DDM ("mphm? ah! en géographie!").

Mais je ne peux que constater à quel point il ne suffit pas de ne pas scolariser ses enfants pour éviter le jargon façon éducation nationale.


IEF (oui, "l'ieuèfe") 

-Déjà ça ne veut rien dire. Ce n'est pas parce que l'enfant n'est pas scolarisé qu'il est forcément instruit par sa famille. Oui parce que Ief, comme chacun ne le sait pas, est l'acronyme d'instruction en famille. Et comme nous vivons dans un monde doté d'une créativité débridée en matière d'appellations il se trouve que c'est aussi celui de l'institut européen de formation, de l'institut d'électronique fondamentale, des industries en France, de l'institut européen de français, ... )


-ensuite "ief" c'est à peu près aussi glamour que le nom de la caisse de retraite de ma grand-mère. 



-et puis summum de l'horreur: à l'oral on commence à entendre "ieufeur" (personne qui pratique l'IEF) ou le verbe "ieufer" ("Un running demain matin? Nan, je peux pas, j'ieufe de 9h à midi").

Alors ici nous avons opté pour "homeschooling" tout simplement parce que c'est un terme que tout le monde comprend du premier coup et qui englobe toutes les façons de faire: du unschooling à l'école à la maison. Et quitte à choisir un terme francophone, j'opte sans hésiter pour l'appellation québécoise: vive l'école-maison! 

TPS, PS, MS, GS, cp, ce1, ce2, cm1, cm2, 6ème... , seconde, première, terminale

Mais quel cerveau malade a bidouillé un truc pareil?

Allez expliquer à un étranger notre système de classes: c'est incompréhensible! Ne cherchez plus d'où vient la surconsommation énergétique liée à internet, il suffit de voir le nombre de messages de parents totalement paumés dans les équivalences de classes France/étranger. 

N'importe quel pays sensé commence en "première" vers 6 ans (first grade), pour passer son bac en "douzième année". Mais en France on aime faire compliqué quand il suffirait de faire simple: les acronymes se succèdent en maternelle et en primaire, avant de passer à un système numérique décroissant (pourquoi décroissant?); système numérique qui sonne comme un mauvais cancer et finit en phase terminale. Mais terminale de quoi? Vous avez terminé quelque chose vous en terminale? Et est-ce que ça veut dire qu'un enfant qui part en apprentissage et donc bifurque sur une autre voie avant le lycée n'a pas "terminé"? En plus les appellations des classes de primaire ne correspondent même plus aux nouveaux cycles.



"Moi président", ma première action serait de faire sauter tout ce charabia digne du référentiel bondissant et de faire commencer l'apprentissage de la lecture en "première année". D'ailleurs je tire mon chapeau au premier cours par correspondance ou à la première école libre qui aura le courage de se libérer des noms de classe "éducation nationale".


La "maternelle"

Qui a eu l'idée d'appeler l'école des 2-6 ans "école maternelle"? En 2016 il n'y a pas plus absent des écoles que les mères. Dans certains établissements les parents n'ont même plus le droit de franchir le portail pour cause de vigipirate. Est-ce une recherche de substitution de la mère? Est-ce pour rassurer les parents? Est-ce parce qu'au fond on sait bien qu'ils sont trop petits pour se passer de papa/maman? Et puis pourquoi "maternelle"? Que dans une maternité on devienne mère, ça a du sens. Mais quel est le rapport entre l'école et les mères? Et puis si vous saviez le nombre de papas géniaux que j'ai croisés, qui assurent à fond dans l'instruction de leurs petits bouts, mon mari en tête! Sans parler du nombre d'instits masculins extras qui pourtant n'ont rien de "maternel".


A l'étranger on appelle ça:


-le jardin d'enfant (c'est autrement plus poétique non? Mais... ça ferait bizarre étant donné que nos cours et nos préaux bitumés n'ont plus grand chose à voir avec un jardin)

-ou l'école préparatoire (preschool). Sauf qu'en France, on aime s'instruire à l'envers. Alors notre classe préparatoire, celle qui devrait normalement "préparer à aller à l'école"... et bien c'est après la terminale. Vous savez, après cette classe qui fait que vous n'avez rien terminé du tout!


La "maternelle à la maison"

J'entends parfois "je fais la maternelle à la maison". Je l'ai même dit moi aussi. Ca ne veut rien dire non plus: l'enfant étudie à la maison, à la rigueur, on l'instruit en famille... 

J'ai aussi lu des débats houleux au sujet des enfants de moins de trois ans: "avant 3 ans ce n'est pas du homeschooling, c'est juste normal". Quelque chose change dans la tête des gens le premier septembre de l'année des trois ans de l'enfant. Un peu comme un yaourt à minuit une le jour de la date de péremption: désolée de vous l'apprendre mais en une minute, comme un vulgaire petit suisse, vous êtes passés de "normal" à "un peu louche". 


Mais amis louches, ieufeurs sachant ieufer et autres pros de la maternelle à la maison: chez les petits homeschoolers on vous aime quand même! 

10 commentaires:

  1. Oh! Tu m'as fait rire! Dans le cadre d'un cours à l'université, je m'étais me pencher sur le système scolaire français. J'étais franchement mêlée et je m'étais fait la même remarque : «pourquoi partir de la 6e et descendre, alors qu'on progresse dans nos apprentissages?» ;) Bel article qui m'a bien fait sourire. ;)

    RépondreSupprimer
  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  3. Et bien moi, je l'aime bien ce terme d'IEF et d'IEFeur/euse, je l'utilise souvent. Il a l'avantage d'être un terme englobant toutes les pratiques : du très formel en école à la maison au total unschooling en passant par l'ownschooling, le Montessori et autres.

    RépondreSupprimer
  4. Merci pour ce bon fou rire ! Tout à fait vrai, et mention spéciale pour le yaourt!

    RépondreSupprimer
  5. "classe préparatoire, celle qui devrait normalement "préparer à aller à l'école"... et bien c'est après la terminale"...le terme de classe préparatoire correspond aussi, en France, au CP...qui n'est pourtant pas particulièrement préparatoire...pour ma part, j'aime bien la notion de cycle 1, 2, 3, 4 et je milite pour que les instits le soient pour un cycle entier, qu'ils accompagnent leurs élèves pendant 3 ans. Ce serait au moins plus cohérent avec les programmes en place...!

    RépondreSupprimer
  6. C'était bien marrant, ce message !!! Mais c'est vrai qu'en commençant l'école à la maison (pcq nous, on dit "l'école à la maison") l'année dernière, j'ai recherché des exercices sur des blogs d'instits françaises et je m'emmêlais un peu les pinceaux entre CP, CE1 et les autres ... Chez nous, en Belgique, ils font de 1ère à 3ème maternelle puis de 1ère à 6ème primaire puis de 1ère à 6ème secondaire ... Ca me paraît plus facile mais bon, je fais avec ...

    RépondreSupprimer
  7. J'ai bien ris. C'est vrai qu'il m'est arrivée, lors de conversations avec une française, de ne rien comprendre à ses appellations à trois lettres. Vu de l'étranger, (de la Belgique, où l'Europe de Bruxelles a déjà des centaines d'appellations à trois lettres),il m'était impossible de déchiffrer et d'y comprendre quelques choses. Et le pire, c'est de se dire, comment peut-elle me parler en abréger, sans tenir compte de son interlocuteur...ça donne une impression d'étroitesse d'esprit. Lorsque j'ai inscrite ma fille en 1ère année CP, en cours à correspondance, j'étais étonnée qu'il n'y avait pas de documents pour décoder votre manière de classer les années scolaires. J'ai dû regarder sur wiki, lol. Ce n'est qu'un constat de plus, pour expliquer combien on complique les choses simples, dans un monde qui ne s'y retrouve même plus...La France, le français est si riche, quel dommage de ne pas en profiter pour jongler encore plus avec les mots...Nous, nous disons, école en famille. Ecole -maison, me fait penser à ce film des années 80, E.T...donc je choisirai plutôt, école en famille, ça incite à sortir des murs !

    RépondreSupprimer
  8. Hahaha c'est tellement vrai. Pour une comparaison, en Belgique, on dit aussi les maternelles (mais dans le langage courant on dit encore souvent l'école gardienne, tellement plus révélateur non?). Ensuite Ecole primaire à 6 ans, de la première à la 6e année, qui se termine par le CEB (oups acronyme : certificat d'étude de base). Ensuite viennent les secondaires, de nouveau de la première à la 6e année. (pas de disctinction collège/lycée en belgique). Parfois une 7e dans certaines filières. Et on recommence ainsi pour chaque cycle : unif etc.

    RépondreSupprimer