jeudi 28 mai 2015

Ecole à la maison: est-ce que j'en fais assez?


Quand votre enfant scolarisé se révèle être inculte à la fin de l'année, vous avez quelqu'un à blâmer: l'éducation nationale, l'établissement scolaire, le rythme, une institutrice dilettante, un directeur extravagant, trop de jours fériés, les grèves...  

Décider de faire l'école à la maison, c'est accepter de ne plus avoir personne d'autre que soi à blâmer. C'est vertigineux: vous prenez le risque d'échouer et d'en porter l'entière responsabilité. J'ai réussi à surmonter cette crainte en me demandant en qui j'avais le plus confiance pour instruire mes enfants: en leur mère... ou en une institutrice que je ne connais pas? J'ai préféré parier sur moi, parce que je sais mes atouts, mes lacunes, et surtout l'envie que j'ai de voir mes petits s'épanouir et progresser. 

Mais seule, comment placer la barre?
Sont-ils en retard, est-ce que je les pousse trop au contraire?
Comment les guider sans trop les pousser?

Le programme de l'éducation nationale

Il existe un gouffre entre les programmes et la réalité: à 16 ans, tous les jeunes français font un test de lecture lors de leur journée d'appel à la défense. Seulement 82% sont des lecteurs efficaces. Autrement dit l'école produit 18% d'illettrés, incapables de lire correctement une page de télé 7 jours. Nous sommes bien loin des objectifs du socle commun des compétences. 

L'enfant rapide
Certains petits homeschoolers sont rapides; ils exploseront les programmes de l'éducation nationale. Ceux-là, en quelques heures par jour de tête-à-tête, avancent presque tout seuls et sont vite une, deux ou trois années au dessus du niveau scolaire "moyen". L'inspecteur en prendra plein la vue, repartira avec des paillettes dans les yeux. au revoir, et à l'année prochaine... ou pas en fait. 

L'enfant lent
Mais on en parle trop peu: il existe autant d'enfants lents que d'enfants rapides. Ces enfants sont parfois déscolarisés parce qu'ils étaient totalement largués et qu'ils ont besoin de tout reprendre à zéro. Instruire à la maison un enfant lent est difficile: ils ont besoin de beaucoup plus d'explications et de temps pour avancer. Le problème est que trop d'inspecteurs ne placent pas le curseur au niveau de l'enfant scolarisé moyen, mais au niveau théorique des programmes du ministère. Pour rappel les enfants scolarisés ne sont jamais inspectés: c'est sur l'enseignant que porte l'évaluation, par sur le niveau des enfants. 
Beaucoup d'enfants scolarisés ne savent toujours pas lire en fin de cp, mais si c'est le cas pour un enfant non scolarisé on va clairement vous embêter. BATTEZ-VOUS: tous les enfants sont différents, vous n'avez pas à être mise en cause si votre enfant est plus lent que la moyenne. Si vous travaillez en tête à tête chaque jour et que vous utilisez de bonnes méthodes, vous en faites forcément plus qu'une institutrice qui a trente élèves face à elle. Vous seul connaissez votre enfant, son rythme, ses difficultés... Vous n'avez qu'une obligation: tout mettre en oeuvre pour qu'il progresse. 

Est-ce que j'en fais trop?

Le travail en tête à tête avec l'enfant est très éprouvant. Ni pause, ni rêverie, ni chahut: 1h d'école à la maison équivaut à 4h de classe. Donc si vos horaires sont calqués sur ceux des écoles, avec des devoirs en plus le soir, c'est effectivement trop. Les meilleurs cours par correspondance recommandent de ne jamais excéder 4h d'étude par jour: au delà on risque d'écoeurer l'enfant, tout simplement. 

Ou pas assez? 

J'ai mes moments de stress, comme toutes les homeschool moms je pense. Il m'arrive de prendre peur, de me dire que les plus petits sont "en retard": mes enfants ne commencent à travailler qu'à 5 ou 6 ans, avant cela ils jouent, lisent, cuisinent, rêvent... je suis donc très loin des programmes officiels! Mais avec le temps je réalise qu'il ne sert à rien de commencer trop tôt. Apprendre à compter jusqu'à 10 prend à peine une semaine à 5 ou 6 ans! Apprendre à lire est très rapide quand l'enfant est assez mûr et qu'il n'est pas déjà blasé par plusieurs années d'apprentissage de la lecture précoce. En école à la maison, tous les apprentissages se font beaucoup plus vite quand l'enfant est prêt. 

Si vous avez peur de ne pas en faire assez, ou de vous laisser happer par le quotidien, il existe de formidables cours par correspondance. Mais souvenez-vous que si vous consacrez ne serait-ce que 3h par jour à l'instruction de vos enfants et s'ils baignent tout entiers dans la culture et les livres, alors c'est bon, vous en faites largement assez. 

Sont-ils assez socialisés? 

Aaaaaah! La so-cia-li-sa-tion. Il ne se passe pas un jour sans que l'on me pose cette question. 

Déjà, j'ai beaucoup de mal à comprendre l'importance de la socialisation dans la société actuelle. Autrefois on admirait des sages parfois ermites... mais aujourd'hui il FAUT être sociable. A-t-on raté sa vie si on est un "lonesome cow-boy"? La silicon valley n'est-elle pas peuplée de geeks asociaux? Votre enfant a le droit d'aspirer à autre chose, il le droit de ne pas être "copains", d'être heureux en tout petits groupes, de préférer passer sa journée à lire plutôt qu'à jouer au foot. 

Ensuite depuis quand l'école sert-elle à socialiser? Se socialise-t-on vraiment enfermé avec 30 enfants de son âge et un adulte dans une pièce? Les enfants scolarisés sont-ils vraiment plus "sociables" que ceux qui n'ont jamais mis un pied à l'école?

Si vous ne vivez pas dans une grotte, que vous discutez en famille, que vous sortez de chez vous et que votre enfant pratique des activités régulières (sport, art, ateliers en groupe...) alors oui, vous en faites largement assez pour sa socialisation: keep calm and carry on!

14 commentaires:

  1. C'est vrai qu'il faut laisser le temps au temps, mais aussi être à l'écoute. Petite Heaven a envie de connaître les lettres? Je lui montre et nous jouons ensemble. Elle veut regarder une vidéo sur les formes géométriques, ça l'amuse il y a tout plein de couleurs, je lui mets etc...Par contre, je ne la force jamais! Laisser le temps au temps!:o)

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  2. Il faut être sociable, afin que l'influence du groupe, sa pression ne vous laisse pas penser, vous poser, remettre en question et sortir du rang.
    Néanmoins, le taux d'antidépresseurs, d'anxiolytiques prescrits en France, la solitude, l'isolement accrus laisse tout de même dubitatif.
    Sans parler de la violence sans bornes des propos et des actes, de l'emprise des plus forts sur les plus faibles.
    Si l'école est le top du top de la sociabilisation, alors je suis suédoise blonde aux yeux bleus!

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  3. Trop ou pas assez ? Une question qui nous turlupine tous... Je me pose cette question dès le réveil et jusqu'au coucher. Et même parfois la nuit.^^ C'est souvent lourd et pénible cette remise en question permanente mais c'est sans doute aussi ce qui permet d'avancer. Si seulement plus d'enseignants se remettaient en question aussi souvent que nous... Merci pour cet article qui aide à "poser les choses" et garder la tête froide. On n'est pas toujours capable d'avoir cette réflexion dans le feu de l'action. Lire votre analyse sereine aide à regagner un peu de... sérénité.

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  4. Merci pour ces réflexions. Il ne faut pas oublier que chaque enfant est différent. Ce que j'aimerais préserver chez mon dernier, c'est cet appétit d'apprendre, cette curiosité "naturelle" de tout ....

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  5. Comme d'habitude tu as les mots justes et ce sens pédagogique dans chacun de tes billets je suis admirative. Merci pour cette réflexion.

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  6. Merci pour cette réflexion !
    (quand on me parle socialisation à l'école, je réponds souvent que, quand je parlais à l'école, je me faisais gronder, et que ce n'est pas avec 15 minutes de récré dans les cris qu'on se fait des amis :-) !).

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  7. Très bel article :) et très juste!

    Brune

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  8. merci pour cet article qui comme d'habitude raisonne beaucoup en moi. Notamment, mes enfants sont parfois plus avancés dans certains domaines, et moins forts dans d'autres que l'"enfant idéal scolarisé" mais je me reproche souvent leurs "faiblesses".
    S'agissant de la question de la "socialisation", comme d'habitude elle est soulevée par des personnes qui n'ont pas beaucoup réfléchi à la question. L'école n'apporte pas la socialisation, elle procure d'éventuels camarades de jeux sans grande diversité (le plus souvent même age, même quartier donc même milieu socio économique) qui peuvent ensuite être revus dans un autre cadre, puisqu'en réalité ce n'est pas vraiment à l'école que l'eventuelle amitié s'approfondit.
    En outre, les gens qui parlent de "socialisation" revoient réalité à l'apprentissage de la vie en collectivité, qui n'est en plus pas enseignée mais subie à l'école. C'est pour moi une valeur importante mais qui peut très bien être transmise par la famille et pratiquée progressivement dans la vie de tous les jours. Il suffit tout simplement de prendre le bus, le métro, aller dans un magasin, aller chez le medecin, manger dans une caféteria. Je vis dans un pays où les gens sont le plus souvent incapables de mettre leur individualité de côté au profit du fonctionnement d'un groupe et pourtant la majorité a été à l'école. C'est quelque chose que je trouve regrettable, tout comme je trouve regrettable en France la collectivité est en droit de gommer toute individualité. Mais pour revenir au propos initial, cela témoigne bien du fait que c'est un apprentissage qui ne relève pas, en tout cas pas exclusivement, de l'école.
    Ceci dit, je ne suis pas du tout anti-école. Mes enfants vont, à temps partiel, dans une école montessori. Cela leur apporte beaucoup, notamment ça leur permet d'être billingues. L'école est un mode d'instruction comme un autre. Il s'agirait peut être d'arrêter de l'affubler d'autant de casquettes (mode de garde, mode d'apprentissage de la vie en collectivité, mode de gommage des différences etc...) alors peut être qu'elle pourrait même être un mode d'instruction efficace.
    Claire

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  9. moi je dois en faire trop car on aura fini nos programmes d'ici 10 jours mdr, enfin on profitera mieux des beaux jours de juin

    Sinon pour la Sociabilisation, ici l'école à été très très néfaste surtout mon mon fils (9 ans) , à ce jour, il ne supporte presque plus les autres enfants, les tout petits ou les très grands ça va mais dans ces âges non. Mais moi je suis fière qu'il soit qualifié d’asociale par un inspecteur . Car, il est gentil,poli, il ne frappe pas, n'insulte pas, ne triche pas , il aime être au calme pas être bousculé et alors moi aussi , si l' EN estime que la sociabilisation passe par le fait de malmener les autres alors nous n'avons pas besoin de cette capacité, nous préférons largement le respect d'autrui ...

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  10. Très intéressant et tellement juste. Merci.

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  11. Très juste, autant sur le fait que chaque enfant n'a pas le même rythme et qu'il importe de ne pas l'oublier d'autant qu'un enfant peut être "lent" pour tel apprentissage et pas pour tel autre ou l'être à un moment donné puis plus ensuite ou inversement pour la rapidité ! Simplement parce qu'on cherche des standards qui finalement n'existent pas... C'est la même chose pour "trop" ou "pas assez", trop ou pas assez par rapport à quoi ? Si c'est par rapport aux besoins de l'enfant (besoins et non ce qui nous paraitrait une norme), très bonne question. Si c'est par comparaison avec un système scolaire souvent peu efficace ou par comparaison avec une autre famille IEF, c'est simplement anxiogène...
    Bonne journée !

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  12. Bonjour,
    Je rebondis sur votre article au sujet de la socialisation à l'école. Notre dernière, 16 ans sous peu a toujours été rejeté des autres et souffre beaucoup en classe de ce fait. Il n'y a pas de problème avec les activités en dehors du lycée.
    Plus qu'un an, heureusement. Elle préfère rester néanmoins au lycée.

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  13. Bonjour,
    Ce sont les questions que je me posais lorsque je voulais que mon enfant étudie à la maison. Ton article est donc très pertinent ! ;-)

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  14. article qui pousse a la reflexion et ce que tu dis est encore une fois très juste ...

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